J’ai récemment découvert une communauté de chercheurs se réclamant du « Networked Learning ». D’après Wikipédia (en anglais) , le processus de base est de développer et de maintenir des connections entre personnes et avec de l’information, dans l’objectif de développer un apprentissage. Le point clé est la connexion. C’est une définition large qui permet d’aborder de multiples modalités pédagogiques et de mettre en avant les dimensions pédagogiques, psychologiques, cognitive, l’incertitude, l’analyse critique, les questions d’éthique … cela apparaît au travers d’un travail sur un manifeste de l’apprentissage en réseaux.
Dans ces différentes approches, j’ai relevé un article abordant la dimension physique qui me permet d’élargir mes réflexions sur les dimensions d’un modèle permettant de formaliser de tels apprentissages. Ce billet est une lecture critique du papier Design for networked learning: framing relations between participants’ activities and the physical setting et une ébauche en vue de structurer les modèles d’intérêts pour engager une analyse multidimensionnelle. Désolé,c ‘est plus technique que d’habitude.
Peter Googdyear, Lucila Carvalho et Nina Bonderup Dohn élargissent les questionnements autour de l’apprentissage en réseau, en s’intéressant au design des espaces d’apprentissage physiques (physical learning spaces).
D’une part, dans le cadre d’un apprentissage qui met en avant l’importance des interactions, les auteurs font remarquer, que l’on peut définir des objectifs d’apprentissage (learning outcomes), et mettre en place des tâches, mais que l’apprentissage est un phénomène émergent au travers des activités réalisées.
D’autre part, les auteurs font remarquer que l’apprentissage en réseau et accompagné par le numérique doit aujourd’hui s’envisager de manière large, dans un monde interconnecté et aux équipements variés. C’est l’argumentaire du mobile learning que l’on retrouve ici.
Mais ils élargissent le débat en remarquant que l’apprentissage ne se fait pas entre un objet et une personne, mais dans un espace où les objets peuvent être organisés pour soutenir l’apprentissage. Ils revisitent donc le concept d’affordance. Les associations s’envisagent donc entre objets et entre objets et personnes. Ils proposent un schéma de base pour structurer l’espace et les interconnexions :
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la conception de l’espace doit aider à focaliser l’attention et proposer un cadre pour aider le participant à focaliser ses ressources mentales ;
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Le design doit aider le participant à trouver la réponse à la question : « qu’est ce qui est proposé ici ? » ;
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l’espace doit permettre d’assurer que tous les outils et ressources nécessaires pour achever la tâche de manière satisfaisante soient aisément accessibles lorsque le participant en a besoin.
Le design d’un espace physique a donc bien un impact sur l’organisation des apprentissages, qui doivent être argumentés au moment de la conception. Il faut ajouter une difficulté qui est de laisser des degrés de liberté aux apprenants, aussi bien pour des raisons de motivation que de développement d’autonomie.
La compréhension des apprentissages en réseau intégré dans un espace physique (ce qui correspond bien à la réalité des apprentissages) implique donc de s’intéresser à différentes types d’interconnexions :
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celles liées au réseau d’apprentissage : interactions avec les personnes et les ressources web disponibles. Notons qu’une cartographie des connaissances peut également être envisagée ;
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celles liées aux objectifs d’apprentissage : liens entre objectifs d’apprentissage, tâches proposées et activités réalisées, auxquels on doit ajouter les indicateurs d’atteinte des objectifs permettant d’instrumenter accompagnement et évaluation ;
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celles liées à l’espace physique : liens entre équipements, objets, et personnes.
On tombe ici sur une explosion de la complexité qu’il faut apprendre à gérer. Nos auteurs proposent trois arguments pour l’aborder : d’une part le design en tant que pratique pour gérer la complexité, d’autre part l’expertise pour identifier les éléments peu interconnectés, et finalement le développement de patterns qui permettent d’organiser l’espace de solutions. Ils se placent d’ailleurs dans des dimensions d’analyse épistémologiques pour intégrer approche comportementale et motivationnelle (je simplifie délibérément le propos).
J’ajouterai que nombre de conceptions se veulent les plus modulaires possibles (je pense aux équipements informatiques, et parfois à des salles d’enseignement) pour être reconfigurables.
Et en conclusion, pour aborder les démarches de recherche itérative, il faut apprendre à considérer l’ensemble de ces relations pour pouvoir envisager des les analyser et de les amender, à la fois dans une approche d’impact et de sensibilité. Je pense aussi bien aux dimensions pédagogiques, physiques, que d’environnements informatiques, chacun pouvant figer, instrumenter ou permettre d’agir chacune de ces interconnexions. C’est à la fois une problématique pour la conception et une grille d’analyse pour la recherche.
Les influences croisées imposent d’ailleurs d’aborder ces questions selon un angle interdisciplinaire.
Crédit photo : Strong affordance par Nicolas Nova licence CC-by-nc